Longjumeau est situé à l’extrémité du plateau de l’Hurepoix, et à mi-chemin de la capitale et de la Beauce appelée le « le grenier de Paris ». Contrée riche grâce à ses immenses champs de blé, elle attira dans ses fermes et bourgs de nombreux travailleurs saisonniers et aussi des miséreux.

Sous l’Ancien Régime l’état de mendiant était quasiment une profession dans chaque foyer, un couvert leur était réservé et ils avaient leur place dans les cérémonies (baptêmes, mariages, ou décès). La charité chrétienne recommandait d’être bon avec les pauvres pour assurer le salut de son âme. Certains mendiants étaient parfois des anciens valets de ferme diminués physiquement ou trop vieux pour les travaux des champs. Leurs anciens maîtres leur trouvaient alors, une occupation à la ferme et leur assuraient le gîte et le couvert.

Vers les années 1780, encadrés par des voleurs des faubourgs parisiens en fuite ou des soldats déserteurs, certains de ces vagabonds constituèrent des bandes composées d’hommes, de femmes, de pillards et d’enfants avec, à leur tête, des chefs violents qui leur donnait des lieux de rendez-vous fixés dans les fermes qu’ils attaquaient, et dans les bois à la belle saison). Sous l’impulsion des chefs de bande, la mendicité fit place au racket et aux crimes perpétrés en toute impunité car aucun fermier n’osait leur refuser l’hospitalité sous peine de voir son bétail empoisonné ou abattu et ses granges incendiées.

En outre, la situation géographique, l’isolement des fermes et surtout la mobilité de ces bandes dites des « chauffeurs* » accentuaient les difficultés de la répression policière.  Au moment de la révolution, chaque juge s’occupait uniquement de crimes commis dans son canton. L’extrême mobilité des « chauffeurs » leur permettait d’attaquer une ferme et de franchir en une heure les limites du canton, voir du département pour se mettre à l’abri des poursuites judiciaires. Leur territoire était compris entre Angerville (Essonne) et Outarville (Loiret). La bande était dirigée par Fleur-d’Épine, un homme doué d’une force athlétique, le premier lieutenant était Nicolas Tincelin dit Jacques de Pithiviers chargé de l’éducation des enfants. Dans la bande il y avait aussi le Gros-Normand, Pierre Beaumont dit Longjumeau, Beau-François, Pierre Ringuette dit le Rouge d’Auneau qui devint premier lieutenant du Beau-François quand Fleur-d’Épine fut arrêté et guillotiné. Durant les années 1795 à 1798, cette bande vola, viola, garrotta, assassina, incendia, chauffa les pieds avec une barbarie jusqu’alors inconnue. Le crime effroyable sur le citoyen Fousset père, cultivateur au hameau de Millouard, commune de Poupry, canton d’Orgères fut la goutte de trop.

Il fut traîné à la cheminée et les scélérats lui brulèrent les pieds puis le corps. La douleur lui arracha des hurlements et le malheureux donna la cachette de son argent, et Saint-Pouce et Pierre Beaumont dit Longjumeau continuèrent leur torture pendant que la bande pillait la ferme.

La République ne pouvait se permettre après les menaces extérieures et intérieures (guerre de Vendée), un troisième risque de déstabilisation aux portes de la capitale. Le juge de paix du canton d’Orgères fut chargé du dossier avec la mission d’élargir les limites de sa juridiction. En outre, il reçut l’aide du maréchal des logis de gendarmerie Vasseur qui connaissait bien la région et qui arrêta, le 27 janvier 1798, près d’Allaines, un mendiant suspect qui se révéla être Germain Bouscant dit le Borgne-de-Jouy. Grâce à ses révélations, les principaux refuges de la bande furent alors localisés.

Le 5 février 1798, un détachement de 75 gendarmes de hussards investit à l’aube le campement de la bande qui s’apprêtait à envahir le château de Faronvile et s’empara d’une partie des « chauffeurs » dont le chef Beau-François. Dans les mois qui s’suivirent, des escouades de gendarmes sillonnèrent la Beauce, le Hurepoix, le Gâtinais et arrêtèrent des individus désignés par le Borgne-de-Jouy. Environ 310 individus furent emprisonnés dans les prisons de Chartres dans l’attente d’être jugés. Cette rafle sans précédent mit fin aux exactions de la bande d’Orgères et le procès pouvait commencer. Il s’ouvrit le 9 mars 1800 et s’acheva 4 mois plus tard après l’audition de 594 témoins, le dossier comportait 2 000 pages d’interrogatoires et de témoignages.

Au bilan : 40 individus furent envoyés au bagne, 21 furent guillotinés, 2 se pendirent la veille de leur exécution, 64 décédèrent en prison des suites d’une épidémie de dysenterie, 111 eurent de lourdes peines de prison et 72 individus furent remis en liberté.

Signalons que certains individus de la bande d’Orgères étaient originaires de notre localité dont : Charlotte Françoise Archambault épouse de Pierre Levieux, colporteuse, demeurant à Longjumeau. Écrouée à Chartres le 29 germinal An VI (18 avril 1798), elle fut transférée à la prison des Carmélites le 16 floréal An VI (05 mai 1798) et relâchée avec son fils Vincent Denis né à Longjumeau en 1785. Pierre Beaumont dit Longjumeau né en 1778 à Saulx-les-Chartreux, compagnon de Marie Victoire Lavertu, terrassier dans une tuilerie vers Corbeil, mendiait dans les fermes depuis 1791. Arrêté le 17 pluviôse An VI (05 février 1798), il fut accusé de 10 vols et attaques de maisons ou de fermes, accompagnés de meurtres, il s’est suicidé pendant la session du Tribunal avant le jugement le 6 prairial en VIII (25 mai 1800).

La grande peur des paysans beaucerons prenait fin mais le sentiment d’insécurité et surtout la méfiance envers les étrangers persistera encore longtemps.

 

 

* Terme populaire utilisé pour désigner les bandes de criminels qui s’introduisaient la nuit chez les gens et leur brûlaient les pieds sur les braises de la cheminée pour leur faire avouer où ils cachaient leurs économies.